Connaissez-vous le Marais de l’Étournel?

Par Jean-Christophe Delattre, membre des ARN, photographe amateur.

Les activités humaines ont souvent pour conséquence de détruire des habitats naturels. Les zones humides en sont un parfait exemple. Elles auraient été réduites de 35% en seulement 40 ans dans le monde, et cette diminution, qui est maintenant tout de même freinée, ne s’arrête pas pour autant. Un bel exemple est le projet OPEN, qui se concrétise à Saint Genis Pouilly sur une belle prairie humide ! Pourtant, les zones humides sont les milieux les plus riches en biodiversité, alliant des habitats et des espèces à la fois terrestres, aquatiques ou dépendantes de ces deux deux types de milieux. Mais une fois n’est pas coutume, il arrive que les activités humaines soient à l’origine du façonnage d’une nouvelle zone humide. Ainsi, le marais de l’Etournel, situé au bord du Rhône sur la commune de Pougny, résulte de la réhabilitation d’une carrière d’extraction en roche meuble qui a été exploitée dans les années 1970 puis abandonnée à la fin des années 1980.

Aujourd’hui, ce site de 200 ha comprenant 8 étangs est reconnu pour son intérêt écologique. Il fait partie du réseau européen Natura 2000. De plus, au niveau départemental, il est classé ENS (Espace Naturel Sensible) et, à ce titre, a vocation à être géré, valorisé et ouvert au public. Le site est également règlementé par un APPB (arrêté préfectoral de protection de biotope). Le Marais de l’Etournel comprend également une réserve de Chasse et une réserve de pêche. Tout ceci rend sa gestion délicate. Cette responsabilité a été confiée au Parc Naturel Régional du Haut Jura.

Prairies humides, étangs et forêts alluviales rendent le site intéressant pour de multiples espèces animales, des insectes aux grands mammifères. Libellules, papillons, grillons et criquets sont nombreux. Les reptiles et amphibiens sont très présents également. On observe facilement la tortue de Floride, espèce invasive difficile à réguler. Notre tortue indigène, la Cistude, ne vit pas sur le site. La question de son introduction a déjà été évoquée.

Parmi les espèces emblématiques, le castor est bien implanté, résultat d’une introduction à la fin des années 90. En se baladant le long des étangs, on peut observer facilement les traces de son activité (arbres coupés en pointe, écorces rongées…).

Une autre espèce emblématique est le Cerf élaphe. Le site de l’Etournel est d’ailleurs connu pour le brame du Cerf à l’automne. Mais attention, interdiction de pénétrer sur le site entre 18h et 8h du matin, et ce du 15 septembre au 15 novembre ! Cette règlementation est indispensable pour dissuader les nombreux photographes amateurs d’aller déranger en masse les cerfs durant une période cruciale de l’année.  Pour entendre l’impressionnant brame du roi de la forêt, une plateforme d’écoute est accessible à côté de la ferme des Isles.

Brame du Cerf. Photo: Bertrand Dupont

Les oiseaux sont également très diversifiés. On peut croiser pas moins de 250 espèces différentes, à condition d’être observateur bien entendu ! Le site étant placé le long d’un couloir de migration, beaucoup d’oiseaux peuvent se succéder tout au long de l’année. Parmi les espèces remarquables, on peut citer dans la catégorie « hérons » le discret Butor étoilé qui fréquente les roselières en hiver.

Butor étoilé caché au bord de sa roselière. Photo J.C. Delattre

Plus récemment, la Rousserolle turdoïde, un gros passereau rare car exigeant sur la qualité de l’habitat, est revenu au printemps pousser son chant très puissant dans les roseaux. La sterne pierregarin, elle, a fait son apparition sur le site pour tenter de s’y reproduire. Enfin, on ne peut parler des oiseaux sans citer le Martin-pêcheur, l’un des plus beaux oiseaux d’Europe, qui habite les différents étangs du site tout au long de l’année.

Martin-pêcheur d’Europe au Marais de l’Etournel. Photo J.C. Delattre

La chasse, elle, n’est logiquement pas pratiquée dans cette « réserve de chasse ». Mais en tant que « réservoir » de cerfs et de sangliers, cette dernière fait régulièrement l’objet de battues d’effarouchement, dont le but est de déloger le nombre important d’animaux réfugiés au calme, qui peuvent causer beaucoup de dégâts dans les cultures environnantes. Durant la période de chasse, entre les chasseurs tirant juste en périphérie de la réserve et leurs chiens partant pister à loisir les mammifères au sein du marais, le dérangement reste important pour toute la faune habitant la zone.

En 2018, le PNR du Haut Jura a finalisé plusieurs aménagements sur le site. Un sentier découverte, accessible tous handicaps, a été mis en place pour canaliser les promeneurs sur une partie du site. Il n’attend que vous !

L’accès à certains étangs est maintenant interdit afin de créer des zones de quiétude pour les oiseaux et les mammifères. La règlementation n’est pas toujours respectée, que ce soit par les pêcheurs, les promeneurs et leurs chiens, ainsi que par les baigneurs qui s’accaparent l’un des étangs durant l’été malgré une interdiction totale.

L’avenir du Marais de l’Etournel pourrait être touché dans les années futures par un projet de captage d’eau de la nappe du Rhône, destiné à alimenter en eau potable une population de plus en plus importante. Les débits prélevés pourraient impacter de façon significative le site. Ce projet sera à surveiller !